LE CAP VERT

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tidrulee
Après 6 mois passés au Sénégal, les eaux chaudes et claires nous manquent, aussi nous décidons de reprendre la mer direction la Barbade aux Antilles avec une courte escale au Cap Vert.

 

 

11 - 14 Avril 2001

SÉNÉGAL - CAP VERT

Distance : 400MN

 

Mercredi 11 Avril, 9h

Émotion et appréhension se mêlent alors que nous nous éloignons du CVD. La tristesse de quitter un endroit que l'on considère comme son chez-soi n'a d'égale que la joie de repartir vers de nouvelles destinations encore plus exotiques.

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Personnellement, j'attends avec impatience les eaux chaudes et claires des caraïbes, les plages de sables blanc (et propre !), les rythmes latinos, les rhums ambrés et les cocotiers.

Notre destination avant les caraïbes de l'autre côté de l'Atlantique - brrr! que cela semble loin ! - est l'île de Brava au Cap Vert à 434MN à l'Ouest de Dakar. Cette "petite navigation" est une bonne remise en jambe avant le grand saut des 2000MN (3700km) de traversée de l'Atlantique.

Petit à petit, le décor de la baie de Hann, que nous connaissons par cœur, s'éloigne - le CVD, la digue, le port industriel, la belle île de Gorée, l'anse du Sofitel - pour laisser place au large.

Une fois la presqu'île de Dakar passée, le vent de Nord nous fait naviguer au travers : le bateau gîte et les vagues frappent le côté tribord de Madeo. Mais notre beau voilier est bien réglé et file à 6nds, nous nous calons dans le cockpit pour voir disparaître petit à petit les côtes sénégalaises.

Cap Vert nous voilà !

Nous ne cacherons pas que nos estomacs sont noués et nous nous parlons peu, chacun étant dans son monde plein de questions et de souhaits :

  • Comment sera le temps ?
  • Espérons qu'il n'y ait pas de coup de vent...
  • Pourvu que l'on n'ait pas de casse...
  • Vivement que l'on soit amariné !
  • Vivement que l'on arrive !

A midi, un thon au bout de la ligne nous sort de nos réflexions et anime un peu la conversation. Nous nous le réservons pour demain car aujourd'hui il n'est pas question de cuisiner. Notre amarinage est trop nul pour l'instant pour descendre à l'intérieur du bateau faire quoi que ce soit. Pour nos repas, j'ai tout prévu : les plats sont préparés d'avance et il suffit d'aller les chercher vite fait. Bien jouée Lol !

Coté activités, nous donnons dans la contemplation : la mer, les voiles, les nuages, les p'tits oiseaux. L'intellect' et la lecture viendront dans quelques jours lorsque nos estomacs seront habitués aux mouvements de Madeo.

Mais ne nous plaignons pas, cela pourrait être pire : Paris, métro, boulot, dodo...

Notre premier coucher de soleil, dans l'étrave, est bien décevant car l'horizon est nuageux. Ce n'est pas ce soir qu'on va aller "A La Poursuite Des Soleils Couchants". On va plutôt à la poursuite de notre couchette car après une journée au grand air et pleine d'émotions nous sommes crevés. Aussi, dès 20h, tout le monde au dodo et sans quart. Quel luxe et ceci grâce au radar qui veille pour nous.

- ...ZZZzzzz...
- Ronan ?
- grrrr !!
- Ronan ? Tu dors ?
- Nannnn !
- Moi non plus, j'y arrive pas !
L'angoisse de la première nuit en mer et Madeo qui fait le shaker dans les vagues font que l'on ne ferme quasiment pas l'oeil.

6h du mat' : Le vent est complètement tombé, les voiles claquent. Nous émergeons pas très frais de notre couchette et affalons la voilure. Malheureusement, la mer est grosse et brinquebale Madeo et son équipage. Le petit dèj' est digne d'une épreuve d'Interville où, sur une table qui tangue, chacun retient comme il peut son verre de jus d'orange, sa tasse, la théière plein d'eau bouillante (très dangereux la théière !) tout en essayant de se faire une tartine entre deux rattrapages de pot de confiture ou de cuillère.

7h : La pétole persiste. Vitesse 1.5nds grâce à un courant.

8h : La pétole dure. Gauche, droite, droite, gauche fait Madeo sur l'eau. Pouvu que cela ne dure pas, car ce roulis va nous rendre dingue !

 

Jeudi 12 (J+2)

9h : Toujours pas de zef'. "Le Cap Vert, c'est pas gagné !"

10h : "OUF", une petite brise de Nord vient de se lever et nous permet de repartir toutes voiles dehors.

Cette journée ressemble étrangement à la précédente. On a la sensation de visionner le même film que la veille : mêmes acteurs, même décor, même bande-son. Peu d'action, un brin de suspense, beaucoup de psychologique.

Le vent reste constant jusqu'au coucher du soleil puis forcit (Force 6), nous obligeant à prendre 2 ris dans la GV (grand-voile) et à enrouler le génois de moitié pour la nuit à venir. Cela fait un peu d'activité !

Notre amarinage est décidément bien long à venir. "Ca fait Ch...!". Nous sommes toujours un peu barbouillés et malheureusement apprécions guère le sushi de thon ce midi et les pâtes au thon ce soir que Ronan a pourtant eu le courage de cuisiner. Cela ira mieux demain !

La nuit s'annonce encore très agitée. Par précaution, on tend une toile anti-roulis entre nous deux dans la couchette pour éviter de se tomber dessus à chaque coup de gîte. La fatigue accumulée depuis 36 heures nous offre un sommeil sans rêve mais au moins on dort.

 

Vendredi 13 (J+3)

Ce matin, on se sent mieux et après un bon petit dèj' presque sans roulis (exit Interville), on attaque de bon cœur les manœuvres car le vent a un peu molli. On lâche un ris et on déroule tout le génois.

A midi, une bonne douche dans le cockpit nous redonne la pèche. TROP BON !

La mer a retrouvé son bleu profond et scintille au soleil. Les poissons-volants fuyant à tire d'aile dans l'étrave nous offre un joyeux spectacle.

Nous filons à 6.5 noeuds et SI cela reste comme ça, nous devrions arriver à Brava demain après-midi. GÉNIAL !

Nous sommes amarinés et pouvons lire pour passer le temps. ENFIN !

TOUT VA BIEN !

 

Ce soir, nous sommes en vue du Cap Vert. Nous devons d'abord dépasser les îles de Santiago et de Fogo avant d'atteindre Brava, l'île la plus à l'ouest. Ne navigant qu'à 10MN des côtes, nous rétablissons les quarts. C'est sous le clair de lune que nous voyons se rapprocher les lumières des phares.

 

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C'était trop beau pour durer ; à 4h, il n'y a plus de vent et nous devons mettre le moteur pour garantir une arrivée de jour à Brava. Le romantisme du clair de lune en prend un coup.

 

Samedi 14 (J+4)

Au petit matin, le vent revient mais directement dans notre nez (Ouest). Plutôt que de tirer péniblement des bord qui nous feraient arriver de nuit, nous faisons demi-tour sur le port de Praïa à Santiago que nous  avons doublé cette nuit.

A 11h, nous sommes au mouillage, ravis d'être au calme mais déçus du décor : l'eau est trouble, des épaves surgissent au ras de l'eau et une centrale électrique, à 500m du bateau, nous assène un sale ronronnement en continu.

Contrairement au règlement maritime, nous décidons de ne pas faire la "clearance" car on n'a pas envie de s'embêter avec de la paperasserie et des fonctionnaires pour le peu de temps que nous pensons rester. Une petite semaine à peine, histoire de remplacer les produits frais que l'on a déjà consommés et surtout de se préparer psychologiquement à - j'ose à peine dire le mot - ...la Transat'.

 

Ce soir, tout en repensant aux variations de vents de la nuit, nous réalisons - un peu tard - qu'elles sont tout simplement dûes aux effets de relief.

Les sommets de Santiago culminant à 1400m sont effectivement de belles barrières au vent de nord quand on est au Sud de l'île, ce qui fut le cas en fin de nuit. Quant au vent de nord-ouest de ce matin, il était dû au contour de l'île.

TOUT S'EXPLIQUE ! mais cela n'est pas pour autant rassurant car qui dit effet de relief dit williwaw (accélération de vent dûe au relief).

 

Légende
  • Vert : Zone de dévente
  • Jaune : Vent de nord
  • Rouge : Survente
  • Turquoise : Route de MADEO

 

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Fort de nos expériences aux Desertas (Madère) et aux Canaries, nous imaginons quelles peuvent être les conséquences ici d'un vent canalisé entre les 1395m de Santiago et les 2830m de Fogo. De même qu'entre Fogo et Brava (976m).

Une nav' musclée en perspective ! Ce sera pour lundi car dimanche est déclaré journée de repos.

 
La distance entre Praïa et Brava étant de 80MN.
Sachant que Madeo avance en moyenne à 5 nœuds :
  1. Calculer le temps qu'il faut pour parcourir la distance entre A et B
  2. Calculer à quelle heure l'équipage doit lever l'ancre pour arriver de jour à Brava ( Aide : la nuit tombe à 19 heures)

Réponses :

  1. 16 heures de navigation
  2. Départ à 3h30 soit un réveil à 2h30

C'est pas tous les jours la grasse mat' quand on est marin !

 

tidrulee

Lundi 16 Avril 2001

Praïa - Faja de Agua (Ile de Brava)

Distance : 87MN

PRAIA-FOGO

Dur, dur le réveil à 2h30 du mat', surtout quand on sait le type de navigation qui nous attend : 15 heures au moins de mer avec 2 passages corsés entre les îles. Motivé, motivé, il faut se motiver !

Une fois sortis du port, en prenant soin de bien arrondir les hauts fonds brisant sur notre tribord, nous trouvons une gentille brise de Nord nous poussant pendant 2 heures jusqu'à ce que les hauts sommets de l'île nous déventent. C'est normal !

Nous relançons alors le moteur jusqu'à arriver en vue du chenal séparant Santiago de Fogo. C'est avec 2 ris dans la GV et une moitié de génois que nous nous préparons à affronter un ÉOLE survolté entre les 50MN séparant les 2 îles.

 

La transition entre les eaux calmes à l'abri du vent et la mer agitée et écumante dans la zone de survente est aussi nette qu'une ligne blanche sur une route goudronnée. Lorsque nous la franchissons, nous avons l'impression de nous retrouver sous le souffle d'un ventilateur géant poussé au max'.  Le vent, de 30-35nds, est de travers-bon plein, la mer se creuse et se hache, l'étrave de Madeo cogne les vagues, les embruns balayent le pont, le gréement siffle et la gîte atteint 30°. " 'y'a d'la joie ! "

Certes le soleil brille mais on l'a dans les yeux. Certes l'eau n'est pas froide mais les embruns sur la peau nous changent vite en statue de sel.

Pour corser le tout, les conditions sont si chaotiques que notre pauvre régul' ne sait plus comment tenir son cap, obligeant Ronan à reprendre la barre.

"Tu parles de vacances ! Dire qu'il y en a pour au moins 6 heures...! "

Jusqu'à 13h, on se fait saucer et brinquebaler puis un interlude dû à la dévente de Fogo nous permet de souffler un peu (très drôle) et de reprendre des forces avant de subir le bis repetita du 2ème couloir entre Fogo et Brava.

 

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FOGO

Fogo, que nous longeons au moteur pendant une heure, est dominé par le cône parfait de son volcan. Les  flancs, quand ils ne sont pas couverts de coulées de lave, semblent bien arides. Les rares villages que nous apercevons de loin s'agrippent aux pentes et nous apparaissent affreusement isolés.

Pas très accueillant !

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Au loin on distingue le cône du volcan de Fogo (2829m)

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FOGO-BRAVA

A peine avons-nous le temps de nous interroger sur l'activité de cette île si désertique qu'il faut déjà se préparer au deuxième round avec Éole. Le couloir entre Fogo et Brava étant plus étroit que le premier (10MN), les vents devraient être encore plus violents aussi nous prenons carrément 3 RIS dans la GV (du jamais-vu) et ne déroulons que 2/3 de génois. Cette surface de voile bien que normalement réservée au gros temps, s'avère parfaitement adaptée à la situation puisque le bateau est parfaitement équilibré et la barre souple.

La traversée se passe dans des conditions aussi extrêmes que précédemment, la fatigue en plus. Vivement la dévente de Brava.

 

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tidrulee

BRAVA

16h, nous sommes enfin à l'abri derrière Brava. Plus que 10MN avant Faja et la tranquillité. Le moteur et le pilote auto' reprennent du service, nous laissant le temps d'admirer la côte très escarpée et vierge d'habitation.

Tout à coup, au détour d'une avancée rocheuse, le vent se remet à souffler directement de face. OH NAAAN ! On frôle le ras-le-bol à 4MN de l'arrivée. Par chance, notre moteur neuf et puissant remonte le vent sans trop trop de problèmes et nous pousse jusqu'à la baie de Faja apparaissant comme une oasis de sérénité après un désert d'hostilité. De son côté, Ronan a apprécié cette journée musclée, à condition, précise-t-il, qu'elle ne dure pas plus d'une journée...

 

Une dernière épreuve avant le repos consiste à trouver la zone de mouillage car la baie dans sa majeure partie est très profonde.

Après un quadrillage en règle, nous repérons grâce au sondeur un petit plateau de 50m de côté par 10m de fond.

18h : nous y sommes enfin... Un bain rapide dans l'eau claire et tempérée (23°) nous détend avant un plongeon comateux dans le sommeil.

 

La Baie de FAJA DE AGUA

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La baie bordée de hautes falaises est assez majestueuse mais honnêtement pas très hospitalière.

D'une part, elle est parcourue par des rafales aussi soudaines que brèves et anarchiques. Plusieurs fois par nuit, nous sommes réveillés par leur désagréables sifflements dans le gréement.

D'autre part, le mouillage est profond et la côtes rocheuse à 50m nous laisse peu de marge en cas de décrochage.

Et enfin, le débarquement à terre est difficile car les vagues déferlent sur la plage de galets. On a beau essayer d'attendre le bon créneau, on se fait systématiquement asperger voir amocher. Dans la précipitation à franchir les rouleaux, Ronan donnera un malencontreux coup de rame sur l'arête de mon nez. Rien de cassé mais une affreuse écorchure et un bleu un prime.

Sans compter la rareté des poissons. Ronan doit souvent rester plus d'une heure dans l'eau pour ramener de quoi dîner.

Par contre, les habitants sont bien plus accueillants que leur baie. Un certain Edgar se mettra en quatre pour nous trouver des fruits, du fromage et du rhum local avant notre grand départ.

Nous ne pouvons pas nous attarder au Cap Vert car la saison des cyclones approche et il faut traverser avant. Nous allons quand même faire un tour en montagne et à Nova Cintra la capitale de l'île. faja1.jpg (12864 octets)

La baie de Faja ouverte sur l'Atlantique

Une levada similaire à celles de Madère amène l'eau des montagnes à Faja. De même, on retrouve des murets construits en espaliers sur les versants abrupts et soutenant des cultures. levada.jpg (10620 octets)
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Une voix "romaine" permettant l'accès à un village de montagne

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Une oasis de verdure au dessus de FAJA

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Nova Cintra

La capitale Nova Cintra est perchée à 500m d'altitude. Il faut 2h30 de marche pour la rallier depuis Faja. Mes mollets s'en souviennent encore...

La descente, dans un autre genre, est tout aussi horrible que la montée. Le chauffeur du pick-up qui nous a pris en stop fonce comme un taré sur la route sinueuse. A chaque virage, je nous vois dans le précipice. LAISSEZ MOI DESCENDRE (à pied !)

 

Certains soirs, nos dîners flirtent avec les 4 étoiles entre langoustes (achetées pour seulement 70FF à des pêcheurs) et pouce-pieds (offerts cette fois ci). langouste.jpg (15502 octets)
Pour les connaisseurs, inutile de décrire le plaisir gustatif des pouce-pieds. Pour les autres, nous dirons que le pouce-pied est un crustacé accroché au ras de l'eau dans des failles rocheuses battues par le ressac. La difficulté de sa pêche et sa rareté en font un met cher au même titre que le homard. Son goût par contre le dépasse allégrement... MIAM MIAM !!

 

Déjà 5 jours à Faja, il est temps de partir..., là-bas...., à l'Ouest....

Madeo est prêt. Ayant déjà fait la traversée, il y a une dizaine d'années, nous espérons qu'il s'en souviendra et nous conduira de l'autre côté aussi bien qu'il l'avait fait avec ses premiers propriétaires.

De notre côté, cela gamberge dur mais on ne peut pas repousser éternellement le départ. Cette transat', si mythique, beaucoup l'on fait avant nous : des solitaires, des couples de retraités, des familles. Les témoignages sont toujours rassurants. Alors, allons-y. C'est notre tour. CAP A L'OUEST!!

 

tidrulee

La suite : les Antilles avec, pour commencer, la TRANSAT'